Ce que les joueurs de poker en ligne vont perdre avec la nouvelle loi Raphaële Karayan -STR New / Reuters
Le poker en ligne, un marché de 300 millions d'euros en France.
Offre réduite, moins d'argent à gagner, des comptes à recréer... Dans le débat en cours sur la loi relative aux jeux d'argent en ligne, une voix est peu audible. Celle des joueurs de poker, habitués des sites illégaux, qui seront les grands perdants de la nouvelle législation. Explications.
Le Sénat a adopté la semaine dernière en première lecture le projet de loi sur l'ouverture du marché des jeux d'argent en ligne. Cette loi vise à réguler le marché des paris sportifs et du poker sur Internet, en instaurant notamment une autorité chargée de distribuer des licences d'exploitation aux nouveaux opérateurs de jeu. A l'heure actuelle, ce marché fait l'objet d'un monopole en France, accordé au PMU pour les paris hippiques, et à la Française des Jeux pour les jeux de hasard. Le poker, lui, n'est pas censé se jouer en dehors des casinos et des cercles autorisés. Pourtant, les Français seraient plus de 500.000 à jouer de l'argent au poker sur Internet, chaque mois. Un marché de 300 millions d'euros par an.
L'entrée en vigueur de la loi, que le ministre du Budget Eric Woerth espère voir venir avant l'été, est très attendue par les opérateurs de jeu en ligne, qui y voient un énorme marché. Ce n'est pas le cas de ces centaines de milliers de joueurs de poker, pour lesquels elle pourrait se transformer en cauchemar. Plus de taxes
Les opérateurs qui disposeront d'un agrément en France seront logiquement soumis à la fiscalité française. Le projet de loi prévoit, pour le poker, un prélèvement de 2% plafonné à 1 euro par donne. "Aujourd'hui, nous prélevons 3% du pot, plafonné à 3 dollars par main. Le prélèvement de l'Etat va rajouter un surcoût de 40%. Nous en prendrons en charge une partie en diminuant nos marges, mais malgré cela l'offre sera forcément plus chère pour les joueurs", explique Alexandre Dreyfus, fondateur et patron de Chilipoker, société de 35 personnes basée à Malte, dont le chiffre d'affaires s'est élevé à 11,7 millions de dollars en 2009, et qui brigue l'agrément en France.
A ce compte là, Michaël, un habitué du poker sur Internet, a fait ses calculs. "Aujourd'hui, je suis gagnant sur le long terme. Sur la base d'un gain équivalent à un salaire et demi par an, avec les nouveaux prélèvements, je ne gagnerai plus rien. Ces prélèvements atteignent vite des sommes énormes lorsque l'on joue en multi-table." Ainsi, la proportion de joueurs gagnants devrait selon lui diminuer considérablement. Moins de choix
Une disposition du projet de loi prévoit que les joueurs français ne puissent pas jouer sur l'adresse en ".com" du site qui obtient un agrément français. Inversement, les clients du ".com" ne pourront pas se connecter sur le ".fr". Quant aux sites qui ne possèdent pas d'agrément et qui s'adresseraient au marché français, ils sont susceptibles d'être bloqués sur une requête adressée au juge. Concrètement, les joueurs français ne pourront plus jouer contre des étrangers. Le principal point noir de la loi; pour Alexandre Dreyfus. "Cela réduit le choix de jeu et la possibilité de faire des tournois. C'est l'intérêt économique de la Française des Jeux qui a été privilégié au détriment de celui des joueurs." Outre les tournois, cette disposition va également pénaliser les variantes de jeu les moins populaires. "Sur d'autres styles de jeu que le Texas Hold'em, il n'y aura plus personne!", déplore Michaël.
Pour pallier ce problème, certains opérateurs proposent que l'Arjel passe des accords avec ses homologues européens pour permettre aux sites disposant de plusieurs agréments dans différents pays, d'être autorisés à faire jouer ensemble leurs membres résidant dans ces pays. Bonus fidélité : retour à la case départ
Le projet de loi impose également aux acteurs ayant eu une activité d'opérateur de jeux ou de paris en ligne à destination de joueurs résidant en France préalablement à la promulgation de la loi, une remise à zéro des comptes de ces joueurs. Salué par le PMU, la Française des Jeux ou encore France Pari, ce point fait bondir les concurrents, qui devront clôturer tous les comptes sans pouvoir les réinscrire automatiquement une fois l'agrément obtenu. Pour les joueurs, cela signifie qu'il faudra retirer tout l'argent disponible sur leur compte, entrer à nouveau toutes leurs informations personnelles pour se réinscrire, que tous les points de fidélité (sorte de miles accumulés en fonction du niveau d'activité sur le site, échangeables en cadeaux) non utilisés seront perdus, et les bonus d'ancienneté aussi... Mieux vaut y penser avant et tous les dépenser, ce que prévoit de faire Michaël, qui hésite encore entre un écran LCD et un reflex numérique.
Pour les opérateurs, cela s'annonce comme un casse-tête. "Seuls quelques milliers de joueurs français jouent de l'argent chez nous, ce qui représente environ 15% de notre chiffre d'affaires. Nous serons donc moins touchés que d'autres opérateurs. C'est pourquoi nous n'essaierons pas par tous les moyens de retenir ces joueurs, et préférons mettre l'accent sur notre partenariat avec Free pour recruter des joueurs." Pour d'autres sites comme Winamax, très présents en France, le risque est grand de perdre des abonnés au profit de la concurrence. D'autant plus que la majorité des joueurs de poker joue habituellement sur deux ou trois sites différents, indique le patron de Chilipoker. La mise en oeuvre juridique de cet article s'annonce par ailleurs délicate, comme l'explique Me Perrine Pelletier, avocate au cabinet Ulys. "L'Etat français pourrait-il imposer de fermer des comptes joueurs librement ouverts par des résidents français, qui ne sont pas tenus pénalement responsables de jouer sur ces sites ? Il est difficile d'imaginer qu'il ne s'agit pas d'une entrave à la libre prestation de service, une atteinte à la liberté contractuelle et au droit du patrimoine, si un système de remboursement n'est pas mis en place." Table rase
Il est certain que l'ouverture du marché, et la débauche publicitaire pour gagner des parts de marché qui va s'ensuivre, va capter une audience nouvelle pour les sites de poker. Ceux qui ne jouaient pas d'argent seront sans doute rassurés de savoir qu'ils peuvent créditer un compte géré par la Française des Jeux. Les accros aux tournois internationaux continueront certainement à jouer sur des sites illégaux, ou se reporteront sur eux. Mais une grosse partie des joueurs réguliers, mesurés, informés, qui anticiperont la fermeture des sites illégaux et ne trouveront plus d'intérêt dans les sites franco-français, risque de se coucher plus tôt que prévu. On peut arguer que la loi favorisera les anciens monopoles et les acteurs qui resteront illégaux, au détriment de ceux qui demanderont l'agrément. Mais au final, les vrais perdants, ce seront les joueurs.
Message édité par gusamongus le 10-03-2010 à 11:50:17
SportyTrader
Posté le 10-03-2010 à 11:49:30
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